Introduction : Pourquoi le CEO Storytelling est crucial
Dans un monde marqué par l’incertitude permanente – tensions géopolitiques, intelligence artificielle générative, pressions réglementaires, évolutions du travail – les dirigeants sont de plus en plus sollicités pour donner du sens. Les parties prenantes (salariés, investisseurs, clients, régulateurs, médias) attendent des CEO non seulement des décisions, mais aussi une narration claire et inspirante.
Les études montrent que 6 personnes sur 10 jugent une entreprise à travers les actions de son CEO. De plus, selon l’Edelman Trust Barometer 2025, les CEO bénéficient encore d’un capital de confiance supérieur à celui des responsables politiques. Mais cette confiance reste fragile et repose sur une exigence : que le dirigeant endosse le rôle de Chief Storyteller, c’est-à-dire de narrateur principal de l’identité, des valeurs et du futur de l’entreprise.
En résumé, le CEO Storytelling n’est pas un exercice de communication cosmétique, mais un levier stratégique pour fédérer, influencer et conduire l’entreprise dans un contexte de « permacrise ».
Trois responsabilités pour le CEO storytelling
L’article de McKinsey identifie trois responsabilités clés qui ne peuvent être assumées que par le CEO :
Définir le ton de l’organisation et incarner le rôle de Storyteller-En-Chef
Un.e CEO doit répondre aux « quatre W » de la narration stratégique :
- Who : Qui sommes-nous ?
- Why : Pourquoi existons-nous ?
- What : Que voulons-nous accomplir ?
- When : À quel horizon partageons-nous notre vision ?
Ce récit doit ensuite être adapté aux différentes parties prenantes. Exemple : Kenneth Frazier (ex-Merck) plaçait les patients en premier, tout en équilibrant les attentes des médecins, régulateurs, investisseurs et communautés locales.
Les meilleurs CEO consacrent 20 à 50 % de leur temps aux relations avec les parties prenantes. Reed Hastings (Netflix) y a progressivement dédié la moitié de son agenda, incluant régulateurs, actionnaires et clients.
Articuler et incarner la culture et les valeurs
La culture est au cœur de la performance. Satya Nadella (Microsoft) a repositionné la culture de « know-it-alls » vers « learn-it-alls », mobilisant un « culture cabinet » de 17 leaders internes.
Le CEO est à la fois champion de la culture (mobiliser en interne, clarifier le sens, renforcer les comportements attendus) et ambassadeur culturel (projeter une image attractive vers l’extérieur, notamment via LinkedIn, dont l’engagement des CEO a bondi de 20 %).
Mais attention : une posture forte peut séduire certains talents et en faire fuir d’autres.
Comme le dit Alex Karp (Palantir) : « Si votre position ne vous coûte jamais de perdre un collaborateur, ce n’est pas une vraie position. »
Prendre la parole dans les moments décisifs
Dans une ère saturée de crises, de désinformation et de réseaux sociaux, les CEO doivent décider quand et comment intervenir.
- Évaluer la pertinence : l’enjeu est-il lié à notre mission et à nos valeurs ?
- Mobiliser l’équipe : un CEO ne gère pas seul une crise. Mary Barra (GM) réunissait quotidiennement son équipe lors du scandale des commutateurs d’allumage en 2014, transformant la crise en catalyseur de transparence culturelle.
- Assumer une position claire : même si l’impact politique fut nul, la cohérence avec les valeurs a renforcé la légitimité de la marque.
Éléments actionnables
Pour les CEO et dirigeants en quête d’impact, l’article propose des lignes directrices concrètes :
Construire un récit clair et modulable :
- Définir un message central aligné sur l’identité et la mission.
- Décliner ce message selon les parties prenantes (employés, clients, investisseurs, régulateurs).
- Utiliser la régularité (lettres annuelles, town halls, prises de parole externes) comme instruments de résonance.
Faire de la culture une priorité personnelle :
- Consacrer du temps visible à la culture (au moins 20 % de son agenda).
- Être exemplaire dans les comportements (l’exemplarité est plus parlante que les discours).
- Activer le top management comme relais narratif, créant une équipe de « co-storytellers ».
Définir des principes de prise de parole en crise :
- Alignement : intervenir uniquement sur les sujets où l’entreprise a légitimité et valeurs en jeu.
- Cohérence : garder une ligne stable, éviter l’opportunisme médiatique.
- Action : accompagner chaque parole d’actes visibles (investissements, politiques internes, partenariats).
- Temps long : replacer chaque crise dans une trajectoire durable.
Conclusion
Le CEO Storytelling n’est pas une option. Dans une économie où la confiance est rare et les crises fréquentes, le dirigeant est attendu comme narrateur principal : il doit donner sens, porter la culture et incarner la cohérence entre valeurs et actions.
En résumé :
- Sans récit, pas de cohésion.
- Sans culture incarnée, pas de performance durable.
- Sans courage dans les moments critiques, pas de crédibilité.