Épisode 289: Stoïcisme pour leader?

Pourquoi parler du stoïcisme pour leader aujourd’hui ?

Dans un monde incertain, marqué par des crises à répétition et une attente croissante envers les dirigeants, le stoïcisme revient en force comme grille de lecture pour le leadership. Mais est-il vraiment adapté à l’action d’un.e leader?

Le stoïcisme pour leader comme boussole dans la tempête

Le stoïcisme propose une hygiène de décision utile aux dirigeants. Il distingue ce qui dépend de nous de ce qui ne dépend pas de nous. Un.e leader qui pratique ce tri évite la dispersion, réduit l’anxiété et accélère l’exécution. La doctrine valorise quatre vertus simples et opérationnelles : sagesse, courage, justice, tempérance. Elles forment un cadre clair pour arbitrer sous pression.

En contexte de volatilité, cette posture limite deux risques récurrents : la panique et l’euphorie. La maîtrise de soi améliore le jugement quand l’information est incomplète. Le dirigeant s’attache aux causes, pas aux narratifs changeants. Il cherche les leviers concrets et accepte les contraintes sans s’y résigner. La focalisation sur l’intention droite et l’effort soutenu renforce la cohérence stratégique. Le stoïcisme incite à bâtir des routines : préparation mentale, revues de risques, post-mortems, apprentissages continus. Cela crée une culture d’amélioration plutôt que de blâme.

Enfin, cette approche renforce la confiance. Les parties prenantes perçoivent une constance de cap et d’attitude. La parole publique reste mesurée, adossée aux faits et aux actes. La discipline personnelle du dirigeant devient un standard culturel. Le résultat attendu : moins d’entropie interne, plus de vitesse utile, meilleure réputation de fiabilité.

Les limites du stoïcisme pour leader

Le stoïcisme n’échappe pas aux critiques. En prônant l’acceptation de ce qui ne dépend pas de nous, il peut glisser vers une résignation face aux injustices sociales ou aux déséquilibres économiques.

Déjà dans l’Antiquité, on lui reprochait d’être une philosophie d’élite, adaptée à ceux qui pouvaient « supporter » l’ordre établi. Pour un.e leader, et pour les dirigeant.e.s en particulier, le risque est d’utiliser le stoïcisme comme justification pour ne pas transformer les structures injustes ou remettre en cause le système lui-même.

La rationalité froide peut aussi masquer un déficit d’imagination morale. L’idéal d’ataraxie neutralise parfois l’indignation, pourtant nécessaire aux ruptures utiles. L’excès de contrôle de soi peut donner un dirigeant lointain, technocratique, peu mobilisateur. Enfin, l’obsession du présent maîtrisable peut détourner de l’utopie praticable : l’entreprise gère au lieu de changer.

L’éclairage d’Épicure

C’est là qu’intervient une alternative : l’épicurisme. Là où le stoïcien endure et se concentre sur la vertu individuelle, l’épicurien cultive le plaisir durable, la coopération et l’absence de troubles par la modération et l’amitié. Pour Épicure, le bon choix n’est pas d’accepter stoïquement ce qui est, mais de sélectionner les plaisirs qui construisent le bien-être et d’éviter les douleurs inutiles.

Transposé au management, cela signifie mettre au centre la qualité des relations, la confiance, le plaisir partagé de créer et d’innover. L’entreprise devient un « jardin » collectif où l’amitié professionnelle, la joie et la recherche de sens coexistent avec la performance. Contrairement au stoïcisme qui valorise la discipline face au chaos, l’épicurisme invite à bâtir des organisations où la joie devient un moteur d’action et d’engagement.

Cinq questions pour arbitrer entre discipline et plaisir

  1. Qu’est-ce que j’accepte aujourd’hui par réalisme qui, demain, me semblera une excuse ?
  2. Comment équilibrer la résilience stoïcienne avec la joie épicurienne comme moteur collectif ?
  3. Quelle injustice ou douleur inutile ai-je le pouvoir de réduire activement dans mon rôle de leader ?
  4. Où la tempérance devient-elle tiédeur, et où le plaisir mesuré devient-il un vecteur d’innovation ?
  5. Comment créer une culture où la discipline assure la solidité et où la joie donne envie d’avancer ?

Source: https://www.mckinsey.com/featured-insights/mckinsey-on-books/author-talks-how-stoic-wisdom-can-guide-modern-ambition?cid=soc-app