Les bonus sont une évidence
On les utilise pour attirer, retenir, récompenser, motiver.
On en parle comme d’un accélérateur universel : « Faites plus, obtenez plus ».
Et pourtant, l’étude de Gagné et collègues, publiée dans Human Resource Management, révèle une réalité moins confortable : les bonus ne motivent pas aussi bien que nous le croyons, et parfois, ils génèrent l’inverse — du retrait, du contournement, voire des comportements déviants.
Ce que l’étude a mesuré
Les chercheurs ont étudié une industrie où la créativité et la qualité sont vitales : le développement de jeux vidéo. Dans ce secteur, une partie importante de la rémunération des employés dépend de bonus liés à la rentabilité du jeu.
Ils ont examiné trois éléments :
- Comment ces bonus affectent la motivation intrinsèque — le plaisir de créer, le sens du travail.
- Comment ils influencent la motivation extrinsèque — l’effort “transactionnel”, celui qu’on fournit pour obtenir quelque chose.
- Comment ils peuvent encourager des comportements déviants : tricher sur les métriques, optimiser les bonus au détriment de la qualité, cacher des problèmes, contourner des règles internes.
La conclusion centrale est claire :
« Dans l’ensemble, nous n’avons pas trouvé de preuves très solides pour étayer les prédictions de la théorie de l’expectative [Vroom] ou de la SDT [voir ci-dessous] concernant les effets de la rémunération au rendement sur la motivation au travail. Bien que les développeurs aient reçu des primes substantielles et significatives basées sur les performances du jeu sur lequel ils travaillaient, que l’entreprise utilisait pour motiver les performances futures et augmenter ses profits, la motivation au travail des développeurs n’a pas été très influencée par le système de primes. Celui-ci n’a que faiblement réduit leur démotivation et, de manière surprenante, leur régulation externe matérielle, tout en augmentant leur motivation intrinsèque.«
Pourquoi les bonus ne motivent pas durablement
La clé se trouve dans la Self-Determination Theory (SDT, de Deci et Ryan), théorie fondamentale en psychologie de la motivation.
Selon la SDT, trois besoins psychologiques soutiennent une motivation solide et durable :
- Autonomie : “je choisis comment je fais mon travail”.
- Compétence : “je me sens capable et je progresse”.
- Relation : “je fais partie d’un collectif qui compte pour moi”.
Les bonus, surtout quand ils sont strictement conditionnels, peuvent affaiblir ces besoins :
- Ils peuvent réduire l’autonomie
- Le message implicite devient : « Tu fais ça si tu veux ça », surtout si le bonus concerne un comportement plutôt qu’un résultat
- La tâche cesse d’être choisie et devient une obligation déguisée.
- Ils peuvent détourner de l’apprentissage et de la performance
- Au lieu de chercher à faire bien, on cherche à faire “bonus-optimal”.
- On joue la partition prévue, on évite les risques, on limite l’innovation.
- Encore pire si le bonus ne dépend pas de mon travail, mais par exemple de mon poste ou du type de travail que je fais
- Ils peuvent transformer la relation en transaction
- Le lien à l’organisation devient instrumental
- Tant que tu paies, je fais; au-delà, je ne dois rien.
Le problème n’est donc pas le bonus en lui-même, mais ce qu’il fait à la structure psychologique du travail.
Ce qui est sûr, c’est que si on s’attend à de la motivation parce qu’il y a des bonus, on se trompe.
Quand le bonus produit… du comportement déviant
Les auteurs montrent que, lorsqu’un bonus cible un critère étroit :
- on déleste les tâches non bonusées, même si elles sont essentielles,
- on cache les erreurs pour éviter les sanctions,
- on contourne les règles pour atteindre l’indicateur,
- on produit plus vite, mais moins bien.
En clair : on optimise le bonus, pas la mission.
Que faire avec les bonus?
« Les organisations doivent prêter attention à la mesure dans laquelle les employés peuvent contrôler leur performance, celle de leur équipe et celle de l’entreprise. »
Si le niveau de contrôle est élevé, le bonus peut faire du sens.
Design et intention des systèmes de bonus
Si vous êtes dirigeant ou dirigeante, trois questions s’imposent :
- Quel comportement réel mon bonus encourage-t-il ?
Pas celui que j’imagine, mais celui que les gens adoptent réellement. - Est-ce que mon système renforce l’autonomie, la compétence et le lien ?
Ou bien est-ce qu’il transforme le travail en marchandage ? - Quelles parties du travail ne sont pas “bonusées” — et qui va en payer le prix ?
La sécurité, la qualité, la collaboration, l’apprentissage ?
Conclusion: bonus, bof
Les bonus ne sont pas mauvais.
Mais ils sont surévalués — et souvent mal compris.
Le vrai moteur de la motivation durable, ce n’est pas la prime : c’est la structure psychologique du travail.
Source: Gagné, M., F. Jauvin, J. Forest, P. Coulombe, and A. Olafsen. 2025. “ Why Bonuses Promote Deviant Behaviors: A Self-Determination Theory Perspective.” Human Resource Management 64, no. 6: 1635–1650. https://doi.org/10.1002/hrm.70004
Episode préparé avec ChatGPT
