(mise à jour décembre 2024)
Qu’est-ce que la PNL?
Depuis plus de 40 ans, la Programmation Neuro-Linguistique (PNL) connaît un énorme succès populaire et commercial: livres, formations, certifications. Ses domaines d’application sont nombreux: coaching professionnel, coaching sportif, développement personnel, techniques de ventes, éducation, etc.
Mais qu’est-ce que la PNL? La définition donnée par ses auteurs (Bandler et Grinder) dans les années 70 est très large: «étude de l’expérience subjective». D’autres définitions trouvées dans la littérature n’aident pas vraiment à distinguer la PNL d’autres pratiques. Il apparaît ainsi très vite que la PNL renvoie avant tout à un ensemble de techniques empruntées à d’autres disciplines, mises sous un chapeau commun. Les plus cyniques diront sous un chapeau commercial.
La PNL est donc un concept dont l’objet principal est de mettre en relation les représentations mentales, le langage, la mémoire, les idées et les comportements. Elle a ainsi créé des passerelles entre toutes ces facettes pour les combiner et assister des objectifs de performance, qu’ils soient personnels, sportifs, thérapeutiques.
L’idée de base des auteurs de la PNL était d’extraire les meilleures pratiques thérapeutiques en observant les psychothérapeutes stars de l’époque comme Perls (Gestalt), Erickson (hypnose) ou Satir (thérapie familiale). Pour une raison obscure, ils ne firent jamais tester et valider leur théorie, comme le veut le processus scientifique standard; ils passèrent directement à l’écriture d’ouvrages grand public – and the rest is history.
La PNL en 2019 (pnl.ch)
En 2019, quand je suis allé sur le site pnl.ch pour écrire l’article originel, j’ai trouvé un certain nombre d’éléments qui ont malheureusement disparu aujourd’hui. Dans la FAQ, nous trouvions par exemple:
[Les postulats de la PNL] constituent de simples hypothèses servant de base au travail.
Sans se préoccuper de prouver leur véracité, les postulats de la PNL sont là comme une invitation à tester leur utilité par la pratique.
C’est très fort: la PNL déclare qu’elle se place en dehors de toute question sur ses fondements – il suffit de « tester »! C’est la base du raisonnement circulaire: j’invente des postulats qui m’arrangent; quand leur conclusion semble probante, je l’attribue à ces postulats; quand leur conclusion ne l’est pas, j’attire l’attention sur leur qualité de « simple hypothèse ».
Quels sont ces postulats? Les voici, toujours grâce à pnl.ch:
- La carte n’est pas le territoire (Alfred Korzybski).
- Chaque personne possède ou peut acquérir les ressources dont elle a besoin pour changer et/ou atteindre ses objectifs.
- Dans la communication, il n’y a pas d’échec, seulement du feedback.
- Tout comportement obéit à une intention positive.
- Un modèle du monde satisfaisant est un modèle du monde qui offre le plus grand éventail possible d’options.
- Le sens de la communication est donné par la réponse qu’elle produit, quelle que soit l’intention du communicateur.
- Lors d’une interaction entre plusieurs personnes, celle qui a le plus de flexibilité et de variations dans son comportement contrôlera le résultat de l’interaction.
- 93 % de la communication est non-verbale.
- Le corps et l’esprit sont des aspects d’un même système cybernétique* et s’influencent mutuellement (Gregory Bateson).
- L’interaction humaine est systémique par nature.
- Le changement c’est l’espace-temps qui sépare l’état présent de l’état désiré.
Quelques commentaires:
- Postulat qui tend à se vérifier en neurosciences (représentations neuronales);
- C’est un truisme (c’est toujours vrai), et donc pas un postulat;
- Est-ce vrai pour tous les types de communication? J’ai un soupçon de généralisation abusive;
- Un vrai postulat, mais cela pourrait être pris comme un sophisme d’imprécision puisqu’en fonction de la définition que l’on donne du mot « intention », l’assertion est toujours vraie;
- Un vrai postulat;
- Un vrai postulat;
- Ce n’est pas un postulat, c’est une prédiction qui demande à être testée;
- C’est faux
- Le corps et l’esprit séparés sont une notion platonicienne qui tend à être contredite par les neurosciences actuelles;
- Un vrai postulat;
- Une réalité physique donc scientifique (WOW!).
On voit donc bien que ces postulats sont au mieux courageux, au pire faux.
Mieux, toujours de pnl.ch:
Des sources scientifiques – bien que paraissant révolutionnaire et faisant partie de ces nouvelles techniques issues des États Unis, la PNL a puisé dans de nombreux courants scientifiques établis, notamment l’empirisme, le constructivisme, la sémantique générale, l’idéalisme et le pragmatisme.
Des techniques datant des années 70 ne me paraissent pas être très « nouvelles »; le fait qu’elle viennent des USA pouvait faire recette dans les années 80 mais certainement pas en 2024. Enfin, ce n’est pas parce qu’un mot se termine en « -isme » que c’est un courant scientifique.
Mais il y a plus grave: comment dire sur la même page internet que 1) la PNL postule sans se soucier de rien 2) la PNL a des bases scientifiques? Soit 1) est vrai et dans ce cas, les bases scientifiques de la PNL ne servent à rien, soit 2) est vrai et dans ce cas la première phrase n’a aucun sens. C’est caractéristique d’une pseudoscience de prétendre être une science juste assez pour attirer les crédules, mais pas assez pour devoir se conformer à ses obligations.
Halte! Le site pnl.ch nous indique pourtant les sources scientifiques de la PNL:
Le problème est le suivant:
- David Hume n’est pas un scientifique: c’est un philosophe qui n’a jamais mené une seule expérience scientifique de sa vie; il a vécu au 18ème siècle;
- Alfred Korzybski a développé un champ linguistique… à lui tout seul; Wikipedia parle de « independant scholar »; il est mort en 1950;
- Hans Vaihinger n’est pas un scientifique, c’est un philosophe qui, comme Hume, n’a jamais mené une seule expérience scientifique de sa vie; il est mort en 1933;
- Gregory Bateson est plus intéressant: c’est un scientifique, qui a publié (peu); il est mort en 1980;
- William James est le monstre dans la liste, c’est le père de la psychologie américaine; il est mort en 1910.
De cette liste fort intéressante, on peut tirer une première conclusion: la PNL n’est pas une science (ce qu’elle revendique, et ce que Bandler revendiquait d’ailleurs lui-même). Ensuite, dans des domaines aussi fluides que les neurosciences, dont la PNL dépend puisque la plupart de ses champs d’actions y sont liés, n’avoir aucune référence plus récente est un sérieux désavantage, un peu comme si vous lisiez un manuel de programmation informatique… basé sur Windows 3.11.
La PNL en 2024
Sur le site pnl.ch, aujourd’hui repris par un organisme de formation en PNL (le modèle commercial dont je vous parlais plus haut), toutes ces informations ont disparu. Elles sont remplacées par une « FAQ concernant la PNL » qui contient seulement trois questions. La première, « La PNL pour quoi? » est une vidéo de vente; la seconde est « Qu’est-ce que la PNL », qui contient ceci:
La Programmation Neuro-Linguistique (PNL) est une méthode de modélisation (observation, analyse et reproduction) de comportements d’excellence découverte dans les années 70. Elle s’appuie sur des bases scientifiques telles que l’empirisme, le constructivisme, l’idéalisme et la sémantique générale. Grâce à son efficacité largement éprouvée, elle peut être utilisée dans tous les domaines. Parmi les plus connus : la relation d’aide, le développement personnel, le sport ou les grandes entreprises.
C’est tout. Les mêmes allégations pseudo-scientifiques, sans source, sans article de référence. La troisième question est « La formation… et après ? Que deviennent nos participants ? ». No comment. Une FAQ intitulée « Qu’est-ce que la PNL » qui contient une seule question pertinente avec une réponse en quatre ligne est décevant au mieux et mensongère au pire.
Il faut donc aller voir ce qu’internet en anglais nous amène.
Neuro Linguistic Programming (NLP)
Le problème est que « NLP », la traduction en anglais de « PNL », signifie aussi « Natural Language Processing« , un domaine lié à l’intelligence artificielle! Par les temps qui courent, difficile de trouver concurrence plus rude.
J’ai trouvé ce qui semble être un site officiel de la NLP: anlp.org. Cette association (anglaise?) nous donne une définition de la NLP:
NLP combines theories, models and techniques from a range of scientific and esoteric fields, to create accessible, understandable ‘tools’ which can be used by individuals, teams and organisations and applied in a variety of contexts to improve outcomes, support wellbeing and create change.
Vous noterez le mot « ésotérique » sur la première ligne. Ils ne s’en cachent même pas. Autres disciplines ésotériques: l’astrologie, la voyance.
Le site contient une page intitulée NLP Research Papers – The Association for Neuro Linguistic Programming dédiée aux recherches en NLP. Le premier papier n’est pas une étude: il n’est pas publié dans une revue et ne contient ni théorie, ni modèle, ni expérience. Le deuxième contient une revue de la littérature en ce qui concerne les effets de la PNL dans l’éducation, mais qui souffre de problèmes de représentativité en termes d’études menées. Les suivants sont intéressants, en particulier le quatrième qui liste (enfin) ce que les articles précédents appelaient des « NLP techniques » sans jamais les détailler: presque aucune de ces techniques ne sont spécifiques à la PNL. Par exemple (en italique, les techniques non-spécifiques) :
- discovering the communication pattern in NLP
- taking full responsibility for behaviors and reactions
- understanding how others communicate with each other
- communicating effectively
- letting go of feelings and emotions
- focusing on results
- performing class exercises (répété douze fois)
- recognizing the difference between the conscious and the subconscious mind
- understanding how the brain works
- overcoming fears (managing phobias)
- beliefs and values
- taking control of memories
- the path to excellence
- the four-part formula of success
- turning the wheel of life
- goal book
- recognition and control of the five senses
- listening to the world of words
- understanding the importance of the eyes
- three dimensions of hearing, sight, and emotion
- knowing why intimacy is important
- dealing with difficult people
- the ability to say no
- raising your choices to respond and react
- understanding the experiences of others
- take a look at mental plans and time patterns
- discover mental plans and behaviors
- understand similarities and differences
- time perspective
- combine mental techniques
- setting and controlling sensory inputs
- letting go of limiting beliefs and creating invigorating beliefs
- whistling technique
- understanding very important senses
- understanding logical levels
- using the NLP model to achieve coordination
- discovering your goals
- focusing on work and life
- forming work teams
- discover the timeline
- understand the timeline
- let go of the negative effects of inappropriate emotions and feelings
- change the language script
- organize time
- create the future in the timeline
- recognizing the meta pattern
- gathering specific information with the meta pattern
- applying the meta pattern
- influencing the listeners
- using the Milton model
Il serait intéressant non pas de démontrer que les élèves, au-delà de la taille échantillonnée trop petite de l’étude ci-dessus, apprennent mieux avec la PNL qu’avec aucune aide, mais de comparer les techniques non spécifiques à la PNL avec l’ensemble des techniques y compris les techniques PNL. Il est clair que certaines des techniques ci-dessus fonctionnent, non pas du fait de leur appartenance à la galaxie PNL, mais parce qu’elle proviennent de théories et de méthodes prouvées scientifiquement (par exemple, les thérapies cognitivo-comportementales).
Une des meta-études qui semblerait montrer que la PNL « marche » est faite par le Dr Paul Tosey, « ANLP member and former editor of our research journal, Current Research in NLP ». No comment.
Cette étude, citée sur la page mentionnée ci-dessus, est intéressante puisqu’elle argumente que la PNL souffre d’une mauvaise réputation et que c’est la raison qui fait que des publications scientifiques pro-PNL sont blacklistées, empêchant donc sa rédemption. L’article est long mais la section 3 parle en détails de ce qu’est la PNL – et c’est toujours aussi difficile à décrire : même cet article, pourtant complet, ne donne ni définition précise, ni les éléments, théories ou modèles qui font partie de la PNL. Difficile donc de distinguer ce qui est PNL de ce qui ne l’est pas.
Il faut donc aller sur la page Wikipedia de la NLP en anglais.
There is no scientific evidence supporting the claims made by NLP advocates, and it has been called a pseudoscience.[8][9][10] Scientific reviews have shown that NLP is based on outdated metaphors of the brain’s inner workings that are inconsistent with current neurological theory, and that NLP contains numerous factual errors.[7][11] Reviews also found that research that favored NLP contained significant methodological flaws, and that there were three times as many studies of a much higher quality that failed to reproduce the claims made by Bandler, Grinder, and other NLP practitioners.[9][10]
Traduction: aucune preuve scientifique ne vient étayer les affirmations des défenseurs de la PNL, qui a été qualifiée de pseudoscience. Des études scientifiques ont montré que la PNL se fonde sur des métaphores dépassées du fonctionnement interne du cerveau, qui sont incompatibles avec les théories neurologiques actuelles, et qu’elle contient de nombreuses erreurs factuelles. Des études ont également montré que les recherches en faveur de la PNL comportaient d’importantes lacunes méthodologiques et que trois fois plus d’études de bien meilleure qualité ne parvenaient pas à reproduire les affirmations de Bandler, Grinder et d’autres praticiens de la PNL.
Le verdict scientifique actuel
La constatation embarrassante est que malgré son succès, la PNL n’a pas de bases scientifiques solides. Les différents articles consultés font tous le même constat: les effets des interventions basées sur la PNL sont indétectables ou très faibles. Une méta-analyse de 2012 montre par exemple que sur 1459 études sur la PNL, seulement 10 étaient expérimentales; sur ces 10, seulement 5 incluaient un groupe de contrôle. Sur ces 5, une seule trouvait un faible effet positif de la PNL. Dans une autre étude de 2010, sur 315 articles considérés, seulement 63 étaient publiés dans des revues sérieuses; sur ces 63, 33 étaient des analyses quantitatives ; sur ces 33, seulement 9 semblent soutenir les hypothèses de la PNL, bien que leurs bases méthodologiques laissent à désirer, alors que 18 études solides ne montrent aucun effet. Une étude de 2019 sur les effets du coaching PNL montre que ceux-ci sont inexistants.
Et pourtant, toujours sur pnl.ch:
Il est difficile de prouver si quelque chose fonctionne ou pas, de la même manière qu’il n’a jamais vraiment été établi que fumer provoque le cancer.
On peut juste dire que les évidences de bons résultats sont nombreuses.
En tant que telle, la PNL n’a pas été testée scientifiquement, mais elle a puisé ses sources sur des bases scientifiques, qui elles,
ont été validées.
No comment.
Et alors?
La PNL est une galaxie de techniques et de modèles. Elle est difficile à isoler d’autres pratiques et donc difficile à tester. En étant gracieux, on dira que c’est une proto-science et que beaucoup d’études doivent encore être menées avant de montrer sa validité et sa fiabilité; en étant plus incisif, on dira que c’est une pseudoscience, machine à fric pour gourous peu soupçonneux. La réalité est certainement quelque part entre les deux.
Nous, formateurs et formatrices, coachs et coaches, notre déontologie professionnelle devrait nous inviter à utiliser des techniques dont les bases théoriques sont prouvées d’une manière qui soit indépendante de la subjectivité; il est donc légitime de s’interroger sur la pertinence de la PNL dont la fiabilité est aussi peu démontrée: si je crois que faire le tour du bâtiment à cloche-pied est bon pour ma confiance en moi, grand bien m’en fasse; mais je ne peux décemment pas présenter cette technique comme une technique sérieuse de travail de la confiance en soi à une autre personne, qui plus est si elle va payer mes services. C’est la validation par une analyse scientifique rigoureuse qui me permet d’avoir confiance dans la théorie qui sous-tend ma pratique, pas ma croyance personnelle ou celle d’auteurs renommés.
Il y a mieux à faire que la PNL
En tant que professionnel.le.s des ressources humaines et du développement humain, nous pouvons nous fier à d’autres théories et modèles psychologiques qui sont, eux, solides et prouvés scientifiquement. Parmi ceux-ci, le coaching cognitivo-comportemental est une alternative sérieuse puisqu’il hérite des propriétés des thérapies cognitivo-comportementales.
Sources:
Passmore & Rawson (2019) Neuro-linguistic programming: a review of NLP research and the application of NLP in coaching. International Coaching Psychology Review, 14, 57
Sturt J, Ali S, Robertson W, et al. Neurolinguistic programming: a systematic review of the effects on health outcomes. Br J Gen Pract. 2012;62(604):e757-e764
Witkowski, T. (2010). Thirty-five years of research on Neuro-Linguistic Programming. NLP research data base. State of the art or pseudoscientific decoration? Polish Psychological Bulletin, 41(2), 58–66
Dormandy, K., & Grimley, B. (2024). Gatekeeping in Science: Lessons from the Case of Psychology and Neuro-Linguistic Programming. Social Epistemology, 38(3), 392–412