Améliorer la performance humaine
Quel est le lien entre confiance, engagement et performance?
Dans deux articles récents du blog (ici et ici) et un épisode du podcast, je rapporte :
- Le lien fort et positif entre la confiance des collaborateurs envers leur organisation et leur performance,
- Le lien fort et positif entre contrôle organisationnel et confiance dans l’organisation.
Relation de confiance à l’organisation : attente de la part des collaborateurs que l’organisation agira avec prédictibilité, compétence (processus mis en place, capacité à gérer) et bienveillance (intégrité, volonté de bien faire et de faire juste).
Contrôle organisationnel : processus par lequel une organisation régule le comportement des collaborateurs par rapport à ses objectifs, par exemple au travers de processus tels que la pose d’objectifs, l’évaluation des objectifs, la gestion des conflits, etc.
Nous voyons donc que la confiance à l’organisation est un élément important de cette performance humaine et que la mise en place et l’application de contrôles organisationnels peut la favoriser. Y a-t-il d’autre moyens de le faire?
De quoi cette confiance à l’organisation dépend-elle?
Des chercheurs finlandais ont cherché une réponse à cette question afin d’éclaircir le lien établi.
Pour commencer, le lien théorique entre confiance et performance est l’engagement du collaborateur: s’il a confiance, il s’engage plus donc performe mieux. Nous pourrions dire que l’engagement est l’expression comportementale de la fameuse « motivation au travail ». Il a trois composantes: affective (attachement émotionnel à l’organisation), normative (attachement moral à l’organisation) et économique (aspect calculatoire de la relation à l’organisation en termes de coûts et bénéfices).
Ensuite, cette confiance, selon les chercheurs, peut revêtir deux aspects:
- Interpersonnelle: attente positive du collaborateur liée à la compétence, la bienveillance et la fiabilité des personnes qui l’entourent (collègues, managers);
- Impersonnelle: attente positive liée à la compétence et à l’équité démontrée par l’organisation du collaborateur.
Première question: est-ce que ces composantes ont toutes la même importance?
Enfin, les collaborateurs ne travaillent pas dans un vide social. Leur environnement comprend leur manager de proximité, certes, mais aussi leurs collègues. Deuxième question: pourrions-nous développer l’engagement des collaborateurs en les entourant de « bons » managers et de « bons » collaborateurs?
Confiance, engagement et performance!
Les chercheurs finlandais font donc trois hypothèses:
- La confiance d’un collaborateur dans la compétence, la bienveillance et la fiabilité de ses collègues aura un lien positif avec l’engagement qu’il démontrera pour l’organisation;
- La confiance d’un collaborateur dans la compétence, la bienveillance et la fiabilité de son manager aura un lien positif avec l’engagement qu’il démontrera pour l’organisation;
- La confiance d’un collaborateur dans la compétence et l’équité de son organisation aura un lien positif avec l’engagement qu’il lui démontrera.
Leurs mesures donnent les résultats suivants: les deux premières hypothèses ne sont pas vérifiées; seule la troisième l’est. Ainsi, l’engagement que le collaborateur démontrera à l’organisation ne dépend de la compétence, de la bienveillance et de la fiabilité ni de ses collègues ni de son manager; cela veut dire que la confiance interpersonnelle n’influe pas directement sur l’engagement à l’organisation! En revanche, la confiance dans le manager est liée positivement à la confiance interpersonnelle; ce résultat n’est pas surprenant dans la mesure où le manager peut être vu non seulement comme un partenaire de travail mais aussi comme le représentant de la direction.
L’engagement dépend de la confiance dans la compétence et l’équité démontrée par son organisation. C’est une belle confirmation du résultat décrit dans cet article: le contrôle organisationnel est d’ailleurs une des démonstrations possibles de l’équité pratiquée par la direction vis-à-vis des collaborateurs.
Une explication possible est la suivante: les collaborateurs interprètent les actions de l’organisation envers eux comme des signes de l’engagement de celle-ci (committment) à leur égard. Nous revenons ainsi à la Social Exchange Theory mentionnée ici: ils évaluent la probabilité d’une réciprocité possible de l’organisation à leurs propres efforts. Ils attendent donc une démonstration du bon-vouloir de l’organisation avant de s’engager de manière plus intensive.
Conséquences
La première conséquence intéressante de cette recherche est que l’organisation possède un moyen de plus de développer la performance de ses collaborateurs, même si ceux-ci n’ont pas une confiance infinie dans leurs collègues et leur manager: en agissant avec compétence et équité à son égard.
La deuxième est que pour les organisations qui ne peuvent pas seulement compter sur la confiance interpersonnelle comme moteur de la performance, par exemple parce que les collaborateurs travaillent avec des horaires ou en des endroits différents, la confiance impersonnelle peut se révéler un substitut intéressant: l’organisation prend symboliquement le relai de la confiance entre personnes.
Ainsi, en démontrant sur la durée sa compétence et une équité transparente, par exemple en revisitant ses processus RH, l’organisation peut faire le premier pas et susciter la réciprocité attendue par les collaborateurs et débloquer leur potentiel de performance.
Source: Vanhala, M., Heilmann, P., and Salminen, H. ( 2016) Organizational Trust Dimensions as Antecedents of Organizational Commitment. Know. Process Mgmt., 23: 46– 61. doi: 10.1002/kpm.1497.